Cinquième soupir
- jean.essomba
- 10 mai 2023
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 févr.
Cinquième Soupir (L’enfance profanée)
Même dans les coins les plus reculés et misérables du globe, les enfants ont désormais une fenêtre ouverte sur le monde. C’est le cas de Seydou, 13 ans, couché dans un lit de camp improbable et dont le regard, voilé par la drogue, l’alcool et la douleur, est rivé sur le petit écran de télévision qu’ils ont volé lors de cette razzia qui lui a coûté sa jambe droite. Il connaît les règles du jeu. Il sait qu’il sera abandonné, seul, en pleine forêt, à la prochaine levée de camp. Déjà, ils ne le nourrissent plus et se contentent de l’abrutir de drogue et d’alcool pour l’empêcher de crier de douleur. Il ne s’agit pas de magnanimité, mais de sécurité. Si ceux qui l’ont enrôlé de force dans leur combat pour la liberté ne le tuent pas purement et simplement, c’est parce qu’ils sont convaincus que cela leur portera malheur. Que peut bien se dire Seydou en regardant défiler ces images qui mettent en scène un monde qui le renvoie à son insignifiance et le pousse à vouloir être tout sauf ce qu’il est. Peut-être, avec ses mots, se dit-il :

Comme j’aimerais être cet oiseau
Qu’on sauve de la marée noire,
Arracher mon âme de ma peau
Et me réincarner dans celle de l’espoir.
Comme j’aimerais être ce chien
Que la belle actrice cajole,
Sentir ses doigts entre les miens
Et avoir enfin le beau rôle.
Comme j’aimerais être ce diamant
Que l’artisan émérite sublime,
Être enfin porté au firmament
De ces choses qui priment.
Comme j’aimerais être le sujet
Que ce poète, chantre de l’amour,
Célèbre, même en vers désuets,
Même en rimes qui n’ont plus cours.
Mais beauté, encore et toujours,
Amour encore et seulement,
Légèreté comme seul contour,
Musique comme seul battement.
Pour eux, je ne suis pas.
© J. R. Essomba (EJR) mai 2023
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